18 mai 2025

Travailler en hypnose Ericksonienne

Dans le courant des thérapies brèves, on trouve l’hypnose du Dr Milton H. Erickson, psychiatre américain.  Erickson a travaillé au MRI, Mental Research Institut à Palo Alto en Californie dans les années 1970. Il a peu théorisé lui-même sa technique de travail, mais cela a été fait ensuite.

Qu’est-ce-que l’hypnose ?

L’hypnose est un état de conscience modifié, où le sujet apparaît plus réceptif aux suggestions qu’il peut entendre.

Le travail en hypnose ericksonienne s’appuie sur l’inconscient ericksonien, qui est différent de l’inconscient freudien dans la psychanalyse. En effet, selon la théorie psychanalytique freudienne, l’inconscient contient des problèmes « refoulés » que la thérapie peut permettre de mettre en évidence.
Au contraire, selon Erickson, l’inconscient est une « boîte à ressources » et ces ressources sont masquées par le problème actuel du patient. La thérapie a pour but de résoudre le problème afin que les ressources de l’inconscient puissent émerger.

Le thérapeute va ainsi pouvoir suggérer des métaphores qui vont venir recadrer la réalité du patient, afin de travailler sur un problème et des objectifs, dans un but thérapeutique.

Durant une séance d’hypnose formelle, le thérapeute induit chez le patient, toujours avec son accord bien sûr, un état de dissociation sain, dit de « transe hypnotique ».

A noter que le thérapeute peut aussi intégrer des outils hypnotiques dans l’entretien sans forcément faire entrer le patient dans une transe formelle.

Qu’est ce que la dissociation psychique ?

La dissociation est un état psychique que nous expérimentons tous au quotidien de façon physiologique : toutes les heures ou heure et demie par exemple, notre cerveau se met en « veille » pendant quelques secondes, ou minutes, ce qui est normal et nécessaire et nous permet de mieux nous reconcentrer par la suite. Cet état peut s’apparenter à une rêverie : on n’entend pas ce que quelqu’un nous dit, parce que l’on est un peu ailleurs, par exemple. Ou encore, on regarde un film prenant et d’un seul coup, on a oublié ce qu’il y a autour et que le film est fini. Un autre bon exemple de dissociation physiologique est la réalisation d’un trajet en voiture bien connu, en tant que conducteur. Vous avez fait le trajet sans réfléchir, de façon quasi-automatique, et une fois arrivé, vous êtes étonné d’avoir déjà fini le trajet, qui vous a paru bien plus court.

La dissociation psychique peut même dans certains cas être un mécanisme d’auto-protection : par exemple, à l’annonce d’une très mauvaise nouvelle, vous avez tout à coup la sensation d’être un peu ailleurs , comme si ce n’était pas réel… certaines personnes ayant vécu des souvenirs difficiles et douloureux ont expérimenté plus souvent que la moyenne cet état de dissociation. Dans certains cas, notamment en cas de souvenirs traumatiques, (nous reviendrons sur la notion de traumatisme plus tard) la dissociation peut devenir trop fréquente, pathologique et même s’intégrer dans un trouble psychique de la catégorie des troubles dissociatifs. Nous y reviendrons. Ces troubles sont à ne pas confondre avec la désorganisation psychique que l’on retrouve dans le trouble psychotique.

La dissociation psychique est donc un état qui s’exprime à différents degrés du normal au pathologique. En hypnose, le thérapeute induit un état de dissociation chez le patient, en toute sécurité et à visée thérapeutique. Il est important de noter que le patient reste totalement maître de son état de conscience, et peut en sortir librement.

 La notion de liberté et de sujet qui garde le contrôle n’a pas toujours été évidente dans l histoire de l’hypnose. Le Dr Franz Anton Mesmer, médecin allemand, fut, en 1773, le premier à tenter d’expliquer le phénomène hypnotique selon la théorie du « magnétisme animal »,  ou « mesmérisme » qui est considérée comme le précurseur de l’hypnose moderne. Dans les années 1880, Freud, inspiré par les enseignements de Charcot, ouvre son cabinet d’hypnose en utilisant la suggestion hypnotique de façon autoritaire et directive… Freud abandonnera la pratique de l’hypnose par la suite.

Par la suite, l’hypnose développée par le Dr Erickson place le patient dans une position de collaboration avec le thérapeute lors de la séance ; l’hypnose permet en toute sécurité de faire une expérience passant par le corps qui peut aboutir un re-traitement de certains souvenirs et émotions. Cela permet au patient, par l’intermédiaire des suggestions , d’acquérir de nouvelles perspectives sur son vécu en s’appuyant sur ses propres ressources. Cette expérience est permise par l’établissement d’une relation thérapeutique de confiance, dite « sécure », qui constitue la « base de sécurité ». Cette sécurité relationnelle passe par la construction de l’alliance thérapeutique. Cela est important à construire car c’est principalement dans le cas où l’alliance thérapeutique n’est pas suffisamment bonne que des résistances peuvent apparaître chez le patient et impacter l’efficacité de la thérapie.

Les mots « hypnose » et « transe » peuvent faire peur, voire être connotés négativement. Or nous avons vu que chacun peut librement entrer dans le processus de dissociation de la conscience et il existe de nombreuses techniques d’auto-hypnose. C’est pourquoi aujourd’hui beaucoup de professionnels de la santé cherchent à modifier le terme d’hypnose en « thérapie d’activation de la conscience ».

Quelles sont les indications de l’hypnose médicale/thérapeutique ?

Aujourd’hui, il existe de nombreuses indications de l’hypnose dans le domaine du soin : hypnose dans le traitement de la douleur (hypnoanalgésie), dans l’anesthésie pour des interventions chirurgicales (hypnoanesthésie). En psychothérapie, on peut citer les addictions, les troubles anxieux, les phobies, par exemple. L’hypnose peut aussi être utilisée avec des techniques spécifiques pour traiter le psychotraumatisme.

 Les contre-indications à la pratique de l’hypnose en psychiatrie sont importantes à connaître : tout état psychiatrique aigu impose en priorité un traitement de la crise (par exemple avec des traitements médicamenteux) et contre-indique la pratique de l’hypnose. La deuxième contre-indication est le fait de bien connaître la problématique traitée chez le sujet : un psychiatre doit être au fait des pathologies psychiatriques , un médecin de la douleur doit bien connaître les mécanismes de la douleur qu’il soigne chez le patient… Chaque professionnel doit rester dans son domaine de compétence. On comprend alors aisément les dangers potentiels de l’hypnose non thérapeutique : hypnose de rue, hypnose de spectacle, pratiquée sur des sujets au hasard dans un but non thérapeutique. On comprend aussi les dangers d’une pratique pseudo-thérapeutique  par une personne n’ayant pas la formation suffisante pour ceci.

Finalement, si l’on devait résumer l’hypnose thérapeutique, et précisément ericksonienne, en quelques mots, je choisirais ceux-ci : il s’agit d’une technique spécifique de modification de la conscience en état de transe, dans le cadre d’une relation thérapeutique sécurisante, et collaborative afin de répondre à un objectif de soin . Eh oui, encore cette fameuse notion de relation et d’alliance thérapeutique, qui est primordiale !

 Le saviez-vous ? 💡

Même si étymologiquement, le mot « hypnose » signifie en grec ancien « sommeil », un sujet en état d’hypnose ne dort pas ! Des études récentes notamment en électro-encéphalographie permettent de mettre en évidence les zones du cerveau qui sont activées en hypnose. On voit que ces zones sont bien différentes de celles activées lors du sommeil et même d’autres états modifiés de conscience, comme la méditation ou la relaxation. Pour plus d’informations voir le site de carnets2psycho.net – « L’activité cérébrale sous hypnose »

Dr Jessica Mac Servaye

Praticien Hospitalier au centre Médico-Psychologique adultes (CMPA) de Saint-Cyr-l’École, rattaché au Centre Hospitalier de PLAISIR dans les Yvelines (78). Plus d'informations: https://docteur.macservaye.fr/bio-cv/

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