18 mai 2025

Les souvenirs dans le stress post-traumatique

Dans cet article, nous allons aborder la manière dont se construisent les souvenirs dans le stress post-traumatique.

La mémoire humaine est un phénomène complexe qui passe dans le cerveau par trois étapes : l’encodage, le stockage puis le rappel.

Ainsi, par l’intermédiaire de transformations entre synapses (les jonctions entre les neurones dans le cerveau), le souvenir va pouvoir s’inscrire dans la mémoire à plus ou moins long terme. Certains mécanismes spécifiques pourront le consolider.

Le cortex cérébral et l’hippocampe permettent d’intégrer des souvenirs à la mémoire consciente explicite : ce sont les souvenirs que l’on peut aisément décrire. Qu’ils soient agréables ou moins agréables, associés à des émotions positives ou non, nous sommes conscients de les avoir vécus et pouvons les raconter.

Mémorisation d’un événement traumatique

Dans le cas où un événement revêt un caractère traumatique, on peut dire que le mécanisme classique de la mémorisation se trouve « dépassé « . Il peut s’agir d’un événement unique particulièrement brutal et/ou violent (catastrophe naturelle, perte d’un être cher, agression, accident, par exemple) ou bien de la répétition de plusieurs événements suscitant un sentiment de peur ou de menace.

Dans ce cas, au lieu d’être traité par l’hippocampe et le cortex, l’événement va rester « bloqué » au niveau de l’amygdale, petite structure cérébrale qui construit la mémoire émotionnelle liée à la peur.

Le fait de pouvoir intégrer un événement de façon consciente ou non n’est pas une question de caractère, de force ou de faiblesse. Il s’agit d’un mécanisme neurobiologique qui est fonction de l’environnement, de l’événement en lui-même et de la manière dont il a été perçu. Ainsi, un événement dans lequel la personne  ressent une peur très intense, inattendue, avec un caractère de danger et un sentiment d’impuissance entraîne un phénomène de dissociation psychique : les pensées, les intentions ne sont pas en accord avec les actions possible. Nous avons déjà abordé ce phénomène de dissociation. Dans ce cas précis, le cerveau se met comme dans un mode « veille » d’auto-protection afin de pouvoir supporter un événement parfois insupportable, intolérable (par exemple une scène de guerre, une catastrophe naturelle ou un accident).

Dans ce cas, au lieu d’être conscient, explicite et racontable, le souvenir traumatique sera implicite et parfois même inconscient. Ultérieurement, il pourra être déclenché par des stimuli extérieurs n’ayant rien à voir avec l’événement initial : un bruit, une odeur, un mot… mais rappelant au cerveau de manière inconsciente cette sensation inconfortable de peur et de menace.

Suite à ces stimulus peuvent se déclencher différents symptômes : reviviscences de la scène traumatique ou « flash-backs » , cauchemars, réactions d’hypervigilance comme les sursauts, anxiété avec des sensations physiques désagréables possibles , troubles de la mémoire… si ces symptômes surviennent moins d’un mois après l’événement, on parle d’état de stress aigu. Si cela fait plus d’un mois, on parle d’un syndrome de stress post-traumatique et c’est là qu’il faudra intervenir.

Le syndrome de stress post-traumatique est dit « simple » s’il fait suite à un événement unique ; il est dit « complexe » s’il fait suite à l’accumulation de plusieurs événements.

Nous reviendrons plus tard sur la notion de traumatisme complexe.

Traiter les psychotraumatismes

Différents traitements existent pour ces symptômes de stress post-traumatique. L’objectif global sera de retraiter ces souvenirs afin qu’ils puissent passer dans le cortex et l’hippocampe afin d’enlever le caractère de peur et de danger liés à ces souvenirs.

Les traitements médicamenteux incluent des molécules agissant sur les symptômes physiques du stress, tels que les tremblements ou la tachycardie : béta-bloquant (propranolol) ; ou encore l’augmentation de la tension artérielle : alphabloquant (prazosine).

Les traitements non-médicamenteux sont des techniques de psychothérapie ciblant le psychotraumatisme. Le recours à la psychothérapie impose une certaine stabilité de l’état psychique ; c’est pourquoi une évaluation psychiatrique est nécessaire. En cas d’épisode dépressif par exemple, il conviendra de traiter celui-ci afin que le patient soit accessible à la psychothérapie du traumatisme, un travail qui demande de l’énergie et qui mobilise la personne émotionnellement.

En quoi consistent les psychothérapies du traumatisme ?

Plusieurs techniques existent ; nous développerons ici l’hypnose ericksonienne et les thérapies intégrant les mouvements oculaires (EMDR-IMO). Le point commun de ces techniques est qu’elles ne vont chercher ni à analyser ni à intellectualiser le souvenir traumatique. Elles vont partir des ressentis du patient et lui faire vivre une expérience de thérapie suffisamment sécurisante, pour lui permettre de retraiter ces souvenirs de façon saine et non plus liée à la peur.

En hypnose ericksonienne, on travaille avec la dissociation, comme déjà dit auparavant. C’est le fait d’induire un état de conscience modifié où le sujet est plus accessible à la suggestion, dans un but thérapeutique.

Ainsi, le thérapeute pourra par exemple proposer au patient de travailler une scène traumatique en hypnose ; le but est que le cerveau puisse retraiter cette scène dans un contexte nouveau et différent de la première fois, en toute sécurité : le contexte de la thérapie. Grâce à cette expérience de dissociation faite en sécurité, le souvenir pourra petit à petit quitter le réseau de la mémoire traumatique dans l’amygdale, lié à la peur, et rejoindre la mémoire consciente et racontable.

L’EMDR (pour Eye Movement Desensitization and Reprocessing, en anglais) et l’IMO (intégration par les mouvements oculaires) sont deux techniques qui utilisent le re-traitement des souvenirs traumatiques par les mouvements des yeux. L’EMDR a été inventé en 1987 par la psychologue américaine Francine Shapiro, à San Francisco. Quant à l’IMO, elle a été créée en 1989 par Connirae et Steve Andreas, au Colorado. Dans les deux techniques, un cadre de sécurité est tout d’abord installé pour le patient, puis un travail est fait sur l’épisode traumatique en suivant des yeux différents points du champ visuel, guidé par le thérapeute. Il existe des différences entre les deux : dans l’EMDR, les mouvements sont faits de façon rapide et saccadée, selon un protocole bien précis alors que dans l’IMO, ceux-ci peuvent être plus lents et adaptés au patient avec un degré de liberté plus grand.

Les mouvements peuvent aussi être faits par d’autres techniques en cas d’impossibilité ou de contre-indication à utiliser les yeux : par des tapotements alternatifs sur les jambes, par exemple.

Les mécanismes de fonctionnement de ces techniques pour la prise en charge du psychotraumatisme ne sont pas encore complètement élucidés et offrent un champ de recherche intéressant. Aujourd’hui, on considère que la stimulation alternative des hémisphères cérébraux, en balayant la totalité du champ visuel par exemple, aide le cerveau à « digérer  » le souvenir et à le faire passer dans le champ de la mémoire non traumatique. Cela passe par une première étape de « désensibilisation  » afin d’enlever le sentiment de peur et de menace associés à ce souvenir, puis par une étape de « reprogrammation » où l’on va associer ce souvenir à des ressentis et à des pensées plus acceptables. Ce n’est pas le souvenir en lui-même que l’on va modifier mais le vécu que le cerveau en a.

Dr Jessica Mac Servaye

Praticien Hospitalier au centre Médico-Psychologique adultes (CMPA) de Saint-Cyr-l’École, rattaché au Centre Hospitalier de PLAISIR dans les Yvelines (78). Plus d'informations: https://docteur.macservaye.fr/bio-cv/

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