Dans cet article, nous allons aborder les mécanismes physiologiques de la mélatonine afin d’expliquer son impact dans le sommeil normal et les troubles du sommeil.
Mécanisme de fonctionnement de la mélatonine
La mélatonine est une substance que nous sécrétons tous, elle est produite par la glande pinéale, ou épiphyse, une petite structure cérébrale qui se situe au niveau du troisième ventricule. Elle est libérée ensuite directement dans le sang.
La sécrétion de mélatonine suit un rythme circadien, c’est-à-dire qu’elle va connaître des variations sur une période de 24 heures, comme plusieurs autres hormones biologiques.
On a l’habitude d’appeler la mélatonine « l’hormone du sommeil » car c’est sa sécrétion qui va envoyer au cerveau le signal du sommeil et de l’endormissement. En fait, la sécrétion de mélatonine débute une à deux heures avant l’endormissement.

Pour cela, il va se passer une cascade d’événements qui vont mener à la sécrétion de mélatonine.
Les cellules nerveuses de la rétine, au fond de l’œil, captent la diminution de la lumière. Elles traduisent cette faible luminosité en signaux électriques qui vont être acheminés vers le cerveau par l’intermédiaire du nerf optique. Les zones cérébrales qui reçoivent ensuite ce signal s’appellent les noyaux supra-chiasmatiques. Ce sont ces noyaux qui innervent la glande pinéale et par l’intermédaire d’une enzyme, la N-Acétyltransférase, la mélatonine va être secrétée et directement larguée dans la circulation sanguine. Un neurotransmetteur entre en jeu, la noradrénaline.
La sécrétion de mélatonine donne ensuite le signal de la « nuit » aux noyaux supra-chiasmatiques, ce qui permet de réguler l’horloge biologique. C’est ce qui s’appelle une rétroaction.
La mélatonine fait baisser la température corporelle (effet chronobiotique) et donne la sensation physique de sommeil, favorisant l’endormissement (effet soporifique) avec par exemple une baisse de la température corporelle.
On comprend alors que c’est la baisse puis l’absence de lumière ambiante qui permet de déclencher cette cascade d’événements indispensables à la régulation biologique. En cas d’exposition à une source de lumière au moment du coucher (lumière allumée, télévision)… le signal de la « nuit » ne pourra pas être compris par la rétine et ne sera donc pas transmis au cerveau. Le travail de régulation de l’horloge biologique ne pourra alors pas se faire !
Quels sont les facteurs influençant la sécrétion de mélatonine ?
- L’individu : les variations interindividuelles dans la sécrétion de mélatonine sont très importantes. Chaque personne a un chronotype donné (heure de lever, de coucher, le fait d’être plutôt « du matin » ou « du soir »). Le chronotype est en fait lié au moment où la sécrétion de mélatonine est à son maximum et à la vitesse à laquelle la concentration de mélatonine dans le sang diminue après sa sécrétion.
- D’après une étude parue en 2020 « There Are 6 Human Chronotypes, Not Just Morning Larks and Night Owls, Study Says« il existerait en fait chez l’homme 6 chronotypes.
Selon le chronotype, la régulation de la sécrétion du cortisol, l’hormone de stress, sera elle aussi différente. Le chronotype varie également en fonction du sexe, de l’âge et de l’origine ethnique. - Le changement de saison : en hiver, avec le raccourcissement des journées, la sécrétion de la mélatonine dure plus longtemps, ce qui, en bref, peut favoriser la sensation de sommeil et les variations dépressives de l’humeur.
- Le changement de fuseau horaire (on estime qu’à partir de trois heures de décalage horaire pendant plus de trois jours, un impact est possible sur l’horloge biologique, avec un phénomène de jetlag).
- Le vieillissement : la glande pinéale se calcifie avec l’âge, entraînant une sécrétion de mélatonine de moins bonne qualité chez les sujets plus âgés.
La mélatonine en traitement médicamenteux
La mélatonine peut s’utiliser à différents dosages et à différents moments de la journée en fonction de l’effet recherché (effet majoritairement chronobiotique ou soporifique). Ainsi, si c’est l’effet chronologique chronobiotique qui est majoritairement recherché (régulation du rythme de lever /coucher), la prise se fera quatre à six heures avant l’heure habituelle d’endormissement.
Au contraire, si l’on recherche davantage l’effet soporifique (aide à l’endormissement), il faudra la prendre 30 minutes à une heure avant l’heure souhaitée du coucher.
Il est nécessaire de demander conseil à un professionnel de santé, et au mieux d’obtenir la mélatonine sur prescription médicale, car en cas de prise à un moment non indiqué, il peut se produire un effet nul ou inverse…
La forme de mélatonine donnée, la posologie et l’heure de la prise sont à définir de façon personnalisée pour chaque personne et chaque indication. L’effet n’est pas nécessairement immédiat (il faut à peu près un mois pour pouvoir juger de l’efficacité ou non de la mélatonine, tout en vérifiant l’absence d’effets indésirables) ; ensuite, une fois que le traitement est efficace, le cerveau peut petit-à-petit réapprendre à se synchroniser dans le rythme veille-sommeil, et ce à partir de dix jours après le début de la prise de mélatonine. L’application des règles comportementales d’hygiène de sommeil restent essentielles : lever et coucher à heure régulière, éviter les écrans et les activités physiques intenses tard le soir, ne pas rester dans son lit si l’on ne dort plus, etc.
Les dépressions sont très fréquemment associées à d’autres troubles, en particulier aux troubles psychiques : on estime que jusqu’à 90% des personnes souffrant de dépression caractérisée, ont des troubles du sommeil. Réciproquement, chez environ un tiers des personnes souffrant de troubles du sommeil sévères, une dépression va apparaître si le trouble du sommeil n’est pas pris en charge… en cas de trouble associé à l’insomnie une évaluation médicale est donc obligatoire avant la prise de mélatonine.
Le saviez-vous ? 💡
On parle beaucoup de la lumière bleue à éviter sur les écrans, et de ses dangers pour l’œil et le cerveau. Ces dernières années, les lunettes anti-lumière bleue et les filtres protecteurs d’écran ont fleuri sur le marché.
Le bleu est en effet la couleur dont la longueur d’onde inhibe le plus la sécrétion de mélatonine, car les cellules de la rétine sont beaucoup plus sensibles à la lumière bleue qu’à la lumière rouge, par exemple. C’est pour cela qu’il faut éviter la lumière bleue des écrans le soir.
Par contre, dans la journée, la lumière bleue est très utile pour inhiber la sécrétion de mélatonine, en particulier en hiver lorsque les jours sont plus courts. Il n’y a donc pas lieu de porter des verres anti-lumière bleue toute la journée, en particulier chez les enfants, car cette même lumière bleue est nécessaire dans le développement de l’œil !